Cet article a été publié par "Les
petites affiches " le 28 août 1999dans son numéro 168 pages ( 4 à 10)
L’instauration du quinquennat est un thème
récurrent. Georges Pompidou lui
donnera ses contours officiels en initiant une révision de la Constitution qu’il
ne pourra mener à bien.
[1]
Depuis, tous les Présidents de la République se sont prononcés
pour le quinquennat quand ils n’étaient que candidats à l’élection,
mais aucun n’a pu ou n’a voulu, une fois élu, l’instaurer.
La doctrine quant à elle semble également à priori
généralement favorable. Ainsi un « Groupe des cinq »
proposait-il de « changer
la République » en ramenant notamment le mandat présidentiel à cinq
ans
[2]
. Pourtant le Comité consultatif pour la révision de la
Constitution n’avait pu dégager une solution sur ce point
[3]
. La cohabitation a bien sûr relancé le débat.
[4]
Ainsi, le maintien du septennat conforterait-il la
situation actuelle et récente, c’est à dire un fonctionnement
parlementaire de nos institutions interrompu par la réapparition du
présidentialisme majoritaire alors que l’instauration du quinquennat
déboucherait soit sur un présidentialisme renforcé
soit sur un régime présidentiel
Le choix de maintenir le septennat traduirait la
volonté de renforcer la position du Président de la République dans un
cadre parlementaire. C’est la raison pour laquelle
Jacques Chirac s’est prononcé récemment pour le septennat
[5]
. Certains analystes préconisent une telle solution car elle
permettrait d’échapper aux défauts du système actuel en élargissant les
espaces et les lieux du débat public
[6]
. Enfin, d’autres auteurs voyant dans la cohabitation un
phénomène révélant la vraie nature parlementaire du régime, souhaitent
implicitement le maintien de la durée actuelle du mandat présidentiel
[7]
. Le septennat serait donc une bonne solution. Mais elle pourrait
être faussée comme elle a pu l’être dans le passé par une pratique
particulière des institutions débouchant sur une dérive
présidentialiste.
Ce
choix constitue un retour aux sources de la Ve que réhabilitent
les circonstances actuelles.
La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 prévoyait
que le futur régime devait être parlementaire. Toutefois il devait s’inscrire
dans le cadre d’une séparation «effective » des pouvoirs. Il
apparaît ainsi, que l’intention des Constituants était bien d’instaurer
un régime parlementaire «rénové ». Ces intentions se traduiront bien
sûr dans la Constitution et la pratique institutionnelle qui suivra.
1° Les intentions des constituants
Le Général de Gaulle, dans le discours de Bayeux,
avait dès 1946 annoncé les contours du régime qu’il souhaitait pour la
France. Il y insistait sur le rétablissement de l’Etat qui devait passer
par le renforcement du Président
de la République. L’aspect parlementaire du régime était explicitement
annoncé à travers l’existence de la responsabilité politique du
«Gouvernement devant la représentation nationale tout entière ». Mais
le Gouvernement devait «procéder » du Chef de l’Etat et non pas des
Assemblées. C’est donc un régime parlementaire rénové que dessinait
ainsi à grands traits le général de Gaulle. La rénovation consistant
essentiellement dans un rôle d’arbitre national reconnu au
Président de la République.
C’est cette conception que Michel Debré exposera
devant le Conseil d’Etat, lorsqu’il présentera le projet de Constitution
en 1958 : « un chef de l’Etat et un Parlement séparés,
encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le
second ». Il prendra soin d’ajouter que le président de la
République doit être la clef de voûte des institutions.
2° Leur traduction dans la Constitution et la pratique
Ces intentions clairement énoncées seront reprises
dans la Constitution. Elles se traduiront notamment dans l’article 5 qui
fonde dans le texte de la Constitution le rôle éminent du Président s’exerçant
dans un cadre parlementaire que rappelle
l’article 20 à travers l’énoncé de la responsabilité du Gouvernement.
Ainsi se mettait en place un
régime parlementaire «à correctif présidentiel »
[8]
, version moderne du régime parlementaire dualiste.
[9]
C’est sur ce mode que fonctionnera la Ve durant
ses premières années de 1959 à 1962. Michel Debré devenu Premier ministre
aura l’occasion de pratiquer le régime qu’il dessinait à grands traits
devant le Conseil d’Etat, mais avec quelques petites différences. Au
Président de la République reviendra la responsabilité de définir les
grandes orientations et notamment dans le domaine de la politique étrangère
et bien sûr s’agissant de l’Algérie. Au Premier ministre reviendra le
soin de mettre en œuvre cette politique avec le soutien de l’Assemblée
Nationale, ce qui ne sera pas toujours facile. Son successeur, Georges
Pompidou n’y parviendra pas et sera renversé en 1962. Au fil des ans, le
rôle du Président de la
République évoluera, d’arbitre il se transformera en guide. Il accaparera
de plus en plus le pouvoir et ce d’autant plus qu’à l’Assemblée
Nationale la majorité sera stabilisée. L’élection présidentielle au
suffrage universel direct achèvera la transformation du régime en
présidentialisme majoritaire.
Aujourd’hui, choisir de maintenir le septennat ne
peut s’interpréter que comme une volonté de privilégier le régime
parlementaire. La cohabitation que nous vivons constitue en effet, sur le plan
de l’interprétation du système, une «revanche du régime
parlementaire »
[10]
Mais le retour du régime parlementaire doit être nuancé.
1° La cohabitation ou « la revanche du régime parlementaire »
Dès lors que le
Président de la République ne peut plus compter sur une majorité de
députés, il cesse de capter « la puissance majoritaire »
[11]
qui naturellement profite désormais au Premier ministre, c’est
la « revanche du régime parlementaire » qui se traduit par une
relecture de l’article 20 plus conforme à la lettre de la Constitution.
Pour autant, le Président de la
République «ne reste pas inerte » il s’appuie sur l’article 5.
Ne procédant plus du Chef de l’Etat mais
bénéficiant d’une légitimité qu’il tient de la majorité parlementaire
dont il est le chef, le Premier ministre «détermine et conduit la politique
de la Nation » avec le soutien de l’Assemblée Nationale conformément
à l’article 20.
Le Premier ministre est ainsi en mesure de jouer un
rôle de tout premier plan car non seulement il dispose de l’administration
et de l’armée en vertu de l’article 21, mais de plus il conduit la
majorité parlementaire en raison du phénomène majoritaire ou du
parlementarisme rationalisé. La fonction gouvernementale est toute entière
exercée par le Premier ministre et non plus usurpée par le
Président de la République. Le caractère parlementaire du régime
devient plus évident. De directeur de cabinet du Chef de l’Etat, le Premier
ministre devient le Maire du palais pour reprendre l’expression de Pierre
Avril.
[12]
Pour autant, le rôle du Président n’est pas
réduit à néant. Dans le domaine éminent de la politique étrangère et de
la défense il va de concert avec le Premier ministre déterminer les grandes
options et ce en raison de l’article 5 qui lui confère des responsabilités
en tant que “garant de l’indépendance de la Nation, de l’intégrité du
territoire et du respect des traités”.
Mais l’article
5 confère également au Président
de la République une fonction d’arbitre dans le domaine du fonctionnement
régulier des pouvoirs publics et à ce titre il continue d’exercer ses
pouvoirs propres parmi lesquels il faut insister sur la dissolution.
Enfin, il reste cette faculté d’empêcher et cette
capacité de nuire qui trouve son origine dans la légitimité populaire qu’a
acquis le Président par son élection au suffrage universel direct.
En vertu de cette légitimité populaire, la
signature des actes présidentiels ne peut pas être considérée comme devant
aller de soi. En effet le Chef de l’Etat devient véritablement titulaire
des pouvoirs que la Constitution lui
attribue. Aussi, dans l’hypothèse des pouvoirs partagés par le contreseing
du Premier ministre, le Président
de la République dispose d’un véritable droit de veto.
[13]
C’est la faculté d’empêcher.
Cette même légitimité populaire lui permet de se
prononcer sur les projets du Gouvernement, de les critiquer, bref de gêner le
Premier ministre sur un plan politique. C’est la capacité de nuire ou
encore l’exercice de la fonction tribunitienne.
[14]
La cohabitation a donc révélé la nature
parlementaire de la Constitution et du régime.
[15]
Mais les cohabitations, puisque nous en sommes à la troisième,
consacrent un retour du régime parlementaire qui est suceptible de nuances et
d’interrogations quant à son exercice et sa pérennité.
2° Les cohabitations ou le retour nuancé du régime parlementaire
S’agissant du fonctionnement parlementaire du
régime en période de cohabitation, on s’aperçoit qu’avec le temps, le
rôle du Président de la
République y est de plus en plus réduit effectivement. Lors de la première
cohabitation, François Mitterrand avait poussé ses prérogatives le plus
loin possible. On voyait fonctionner à nouveau ce fameux régime
parlementaire rénové que préconisait Michel Debré.
Lors de la deuxième cohabitation, la position du
Président de la République a été moins forte notamment dans le
domaine des relations internationales où il a dû laisser plus de place au
Premier ministre.
Enfin, la position du Président pendant la
cohabitation actuelle paraît encore plus faible ne serait-ce que parce qu’elle
est le résultat d’une dissolution manquée qui place le Président dans une
situation inconfortable.
Si la cohabitation devait durer il semble que la
place du Président de la
République dans le régime parlementaire se réduirait encore démontrant
ainsi le caractère chimérique d’un parlementarisme rééquilibré en
faveur du Chef de l’Etat. Au contraire, le Premier ministre verrait sa
position se renforcer et se rapprocher de celle du Premier ministre
britannique. Du régime parlementaire « rénové » on passerait au
régime parlementaire anglais !
En ce qui concerne la pérennité du retour au
régime parlementaire, on doit être réservé. Les deux premières
cohabitations ont été perçues comme des parenthèses. D’abord parce qu’elles
se situaient en fin de mandat présidentiel, ensuite parce qu’elles ne
devaient durer que deux ans. Deux ans de cohabitation pour cinq ans de
présidentialisme majoritaire ! Ce que le Doyen Vedel devait traduire par
sa formule 7 = 5 + 2.
[16]
Le retour du régime parlementaire était donc tout à fait
exceptionnel.
Mais, la cohabitation actuelle devrait durer cinq
ans ! D’exception, la cohabitation tend à devenir le principe. Pour
autant ce principe pourrait facilement être écarté. Il suffirait pour
cela que lors de la prochaine élection présidentielle, normale ou provoquée
la jonction des majorités se réalise à nouveau pour qu’on revienne
au présidentialisme majoritaire. La position du
Président de la République est certes amoindrie, mais elle ne le sera
pas définitivement. Le choix d’un fonctionnement parlementaire du régime
qu’implique le septennat serait donc faussé.
Cette dérive prend la forme d’une hégémonie
présidentielle. Elle a connu quelques limites.
L’hégémonie présidentielle est un phénomène
dont les origines sont relativement connues et qui se manifeste de diverses
manières.
1° L’origine du phénomène
Si 1962 est considéré comme un tournant
capital de la Ve République, c’est parce que l’élection
présidentielle au suffrage universel direct sera décidé. Mais c’est aussi
parce que le phénomène majoritaire apparaîtra et durera. Ce sont là les
deux causes de la prépondérance présidentielle.
La première est évidente. Comme l’a écrit le
doyen Vedel : « La position d’un candidat qui ne
promettrait que l’arbitrage au sens faible est sans avenir »
[17]
. C’est ce que constatera à ses dépends Alain Poher lors de l’élection
de 1969. L’onction populaire ne peut que conduire au développement des
prérogatives présidentielles. C’est là un phénomène quasiment
mécanique que l’on a pu vérifier au lendemain des élections
présidentielles de 1988 et de 1995. François Mitterrand comme Jacques Chirac
avaient annoncé durant leur campagne électorale qu’ils exerceraient une
présidence plus modeste. Or il n’en a rien été dans un cas comme dans l’autre.
La deuxième raison de l’hégémonie
présidentielle réside sans conteste dans le «phénomène majoritaire à la
française »
[18]
. La Ve République a vu en effet apparaître non
seulement une majorité parlementaire cohérente et stable comme en Grande
Bretagne, mais de plus celle-ci se réclame du
Président de la République et le soutient. « Le fait
majoritaire à la française résulte de la coïncidence durable des
majorités parlementaire et présidentielle »
[19]
. Ce couplage des majorités profite au
Président de la République qui devient ainsi le chef de tout l’exécutif,
en même temps qu’il conserve son rôle de chef de l’Etat. C’est donc le
double soutien, populaire et parlementaire, qui explique la domination
présidentielle.
2° La manifestation du phénomène
Fort de ce double soutien, le
Président de la République cesse
d’être seulement cet arbitre national dont l’article 5 dessinait les
contours. Il devient le responsable d’une politique pour laquelle il a été
élu.
Techniquement parlant cela se traduit par une double
adjonction de pouvoirs à ceux qu’il continue d’exercer : les
pouvoirs propres.
Tout d’abord le Président «absorbe la fonction
gouvernementale ». C’est lui qui de fait va déterminer la politique
de la Nation, privant ainsi le Gouvernement d’une partie des prérogatives
que lui confère l’article 20 en le confinant à un rôle de simple
exécutant. Il ira même jusqu’à empiéter sur la fonction parlementaire en
inspirant et en imposant un certain nombre de lois et devenant ainsi un
véritable «Président-législateur »
[20]
Mais le Président
de la République ne se contente pas de ce premier élargissement de ses
pouvoirs. Il exerce également et pleinement les pouvoirs dits partagés qui
ne le sont plus effectivement. Le contreseing lui est en effet acquis d’avance :
quel Premier ministre pourrait lui refuser puisque politiquement parlant le
chef du Gouvernement voit dans le Président
de la République son chef ! De même la proposition préalable, autre
technique de partage, sera sollicitée par le
Président de la République et bien sûr obtenue devenant une simple
formalité.
Ainsi les Présidents de la Ve ont-ils pu
choisir leurs ministres, organiser des référendums et même signer des
décrets non délibérés en Conseil des Ministres ! La Monarchie
républicaine était en marche.
Cette dérive présidentialiste
a pris une telle ampleur qu’elle caractérise le fonctionnement de la
Ve. Or elle n’existe que du fait de la présence d’une
majorité parlementaire forte stable et cohérente couplée à la majorité
présidentielle. Que le phénomène majoritaire connaisse quelques
difficultés et la dérive présidentialiste se stabilise, voire régresse.
Par deux fois on a pu le vérifier.
1° La fracture des majorités
La démission de Jacques Chirac de ses fonctions de
Premier ministre, le 25 août 1976 allait entraîner une situation
inédite : celle d’une majorité parlementaire fracturée. Le nouveau
Gouvernement conduit par Raymond Barre devra en effet affronter une véritable
guérilla parlementaire, le groupe RPR ne le soutenant plus sur un certain
nombre de textes. « Est-il normal que la majorité de la majorité
parlementaire veuille imposer sa loi au Premier ministre qui a la confiance du
chef de l’Etat ? »
[21]
. Cette question montre
à quel point la rupture de la majorité entraîne une remise en cause de la
prééminence présidentielle.
Toutefois cette rupture n’était pas totale, le
RPR n’était pas prêt à franchir le Rubicon politique que représente le vote d’une motion de censure,
aussi le Premier ministre saura en tirer parti. Il aura recours aux armes du
parlementarisme rationalisé, et notamment à l’article 49.3 qu’il
utilisera «en cascade ». Avec un Premier ministre aux avant-postes et
servant de bouclier, le chef de l’Etat
a pu sauver en partie les
apparences d’un présidentialisme qui n’était plus tout à fait
majoritaire. Une situation assez proche se présentera quelques années plus
tard.
2° L’insuffisance des majorités
Réélu en 1988, François Mitterrand ne disposait
pas à l’Assemblée Nationale d’une majorité aussi utilisera-t-il de
nouveau la dissolution, mais le Parti socialiste qui seul le soutenait
vraiment n’obtiendra que la majorité relative au Palais Bourbon. Une figure
nouvelle de la Ve allait se mettre en place : celle d’une
«présidence relative »
[22]
.
Une fois de plus le
Président de la République ne disposant pas pleinement du soutien
parlementaire devra s’effacer quelque peu et mettre en première ligne le
Premier ministre. A lui reviendra la tâche de réunir une majorité pour
faire passer ses projets de loi. Que se soit en douceur, en convaincant
certains députés de voter pour le texte ou au moins de s’abstenir. Que se
soit de manière plus brutale en recourant
à l’article 49.3. Dans ces situations d’incertitude majoritaire le
recours au parlementarisme rationalisé devient la règle.
Si selon le mot de Jean Gicquel la présidence fut en
retrait, elle ne cessa pas d’être active
[23]
. François Mitterrand su en effet tirer parti de toutes les
situations. En particulier il fut servi par la Guerre du Golfe qui lui permit
de jouer un rôle de premier plan de même que par la question de la
ratification du traité de Maastricht. Se concentrant sur le domaine éminent,
mais ne délaissant pas complètement les questions sociales
le chef de l’Etat laissait au Premier ministre le soin d’assumer
«son devoir de grisaille »
[24]
.
Ces situations d’insuffisance ou de fracture des
majorités pourraient très bien réapparaître.
Le septennat ne peut donc que déboucher sur
« un régime mixte à fonctionnement alternatif »
[25]
où se succéderaient le régime parlementaire et le
présidentialisme majoritaire. Le rôle du président pouvant lui-même
évoluer dans le cadre de chacun de ces deux types de fonctionnement. En cela
le septennat qui a pu apparaître comme une bonne solution a été faussée.
Pour autant, le quinquennat n’est pas la bonne solution.
Si le quinquennat était instauré il conduirait
vraisemblablement soit à l’instauration d’un régime présidentiel soit
au renforcement du présidentialisme majoritaire. L’une et l’autre
solution ne présentant pas
nécessairement que des avantages.
Nombreux sont ceux qui voudraient instaurer
un régime présidentiel. Toutefois, il ne suffirait pas de réduire à
cinq ans le mandat présidentiel pour que fonctionne un tel régime, un
certain nombre de transformations institutionnelles seraient nécessaires. Il
n’est pas certain qu’une telle évolution soit sans dangers.
L’instauration du régime présidentiel
résulterait d’un certain nombre de suppressions majeures qu’il
faudrait compléter par quelques modifications secondaires.
[26]
1° Les suppressions majeures
Le régime présidentiel se caractérisant par un
isolement des pouvoirs, il faudrait supprimer les moyens d’actions
réciproques que le régime parlementaire implique.
La première suppression concerne la responsabilité
politique du Gouvernement devant le parlement prévue par l’article 20 ainsi
que les procédures de mise en jeu inscrites dans l’article 49. Au delà de
la responsabilité, c’est le poste de Premier
ministre qu’il faudrait
supprimer sauf à considérer qu’il pourrait jouer un rôle de
vice-président.
L’autre suppression importante concerne le droit de
dissolution prévue par l’article 12. Mais là encore une voie française
pourrait être mise en place celle d’une
« dissolution-démission »
[27]
qui permettrait d’éviter les crises. D’autres modifications
seraient pourtant nécessaires.
2° Les modifications secondaires
Il faudrait revoir
la procédure législative. Ainsi l’initiative de l’exécutif devrait
être supprimée. Qu’il s’agisse de l’initiative globale ou de l’initiative
partielle et secondaire c’est à dire l’amendement Même s’il est vrai
qu’aux Etats-Unis l’initiative présidentielle existe de fait. Il faudrait
aussi se poser la question du veto présidentiel et choisir le type de
veto : irait-on jusqu’au veto sélectif ?
Mais c’est surtout l’ensemble des procédures du
parlementarisme rationalisé qu’il faudrait supprimer. Le vote bloqué
serait bien sûr condamné ainsi que la procédure de l’article 49.3. Il
faudrait aussi s’interroger sur le maintien du système de partage de
compétences entre la loi et le règlement.
Le régime présidentiel n’est pas sans dangers. Il
existe en effet des précédents fâcheux mais ce sont surtout les dangers
actuels qui sont à prendre en considération.
1° Les précédents fâcheux
En 1791 la Constituante va donner à la France un
régime largement inspiré de la « constitution d’Angleterre »
chère à Montesquieu et très proche de la Constitution de Philadelphie. C’est
dire que l’on a déjà connu sinon un régime présidentiel au sens propre,
en tous les cas un régime de séparation stricte des pouvoirs. Or il n’a
pas bien fonctionné. C’est d’abord la responsabilité pénale des
ministres qui se transformera en responsabilité politique avec le renvoi de
Delessert. Mais surtout c’est le
veto royal qui ne sera pas accepté et dont l’emploi déclenchera
indirectement la fin du régime.
La deuxième République démontrera également les
dangers du régime de séparation rigide. Là encore, les conflits entre les
deux pouvoirs ne pouvant pas être résolus par des voies pacifiques
dégénéreront et seront tranchés par le coup d’Etat du 2 décembre 1851.
Comme déjà cela s’était passé sous le Directoire qui pratiquait
également un tel régime.
2° Les dangers actuels
Le régime présidentiel américain fonctionne bien
depuis plus de deux cents ans parce que l’isolement des pouvoirs ne
débouche pas sur l’immobilisme voire l’affrontement. Le compromis
politique supplée la séparation institutionnelle
[28]
. Or le compromis n’est possible que dans la mesure où le
bipartisme américain est souple : la discipline
y est des plus réduites.
En
France, la Ve République a fait naître la bipolarisation. Ce
système se caractérisant par l’existence de deux coalitions à vocation
majoritaire qui alternent au pouvoir. Et où la discipline de vote est
relativement forte. Un tel système engendrerait une dénaturation du régime
présidentiel. Soit la majorité parlementaire serait conforme aux options
présidentielles et on retomberait dans un présidentialisme majoritaire, soit
la majorité parlementaire serait opposée au président de la République et
alors le compromis nécessaire serait difficile à trouver.
Cependant, la situation politique évolue. Les deux
coalitions sont de plus en plus hétérogènes. La droite défaite ne cesse de
se diviser et la gauche est plurielle, manière positive de souligner des différences qui pourraient se transformer
en contradictions. Si le phénomène s’accentuait - et le régime
présidentiel pourrait être un facteur d’accélération - l’émiettement
du système de parti pourrait favoriser cette logique du compromis
indispensable au régime présidentiel. Et si cet éclatement du système de
parti n’était pas assez rapide on pourrait le favoriser en instaurant la
proportionnelle comme le suggérait Dominique Rousseau.
[29]
Mais il ne suffit pas d’avoir un système souple encore faut-il
pouvoir reconstituer ponctuellement des majorités bref trouver des accords
positifs. Or la culture politique dominante en France se caractérise plutôt
par la recherche de l’affrontement même si souvent il reste formel. En
réalité le quinquennat a peu de chances de conduire au régime
présidentiel, il renforcerait plutôt le présidentialisme.
Le quinquennat renforcerait doublement
le présidentialisme. D’abord en rendant impossible la cohabitation
ensuite en présidentialisant encore plus le système.
Le quinquennat devrait faire coïncider les
élections présidentielles et législatives mais ce simple fait ne suffirait
pas nécessairement à écarter la cohabitation.
1° Par la coïncidence des élections
Dès lors que les mandats présidentiel et
législatif auraient la même durée les deux élections coïncideraient.
Encore faudrait-il que cette coïncidence
soit prévue ou organisée en calant les deux mandats l’un sur l’autre. La
prochaine échéance présidentielle aura lieu en effet en mai 2002 alors que
les prochaines élections législatives se dérouleront au mois de mars 2002.
La coïncidence n’est donc pas parfaite même si les deux élections auront
lieu la même année et surtout l’ordre dans lequel elles se dérouleront ne
l’est pas non plus.
Le résultat attendu de cette coïncidence des
élections est la coïncidence des majorités et donc le présidentialisme qui
serait ainsi établi sans possibilité de le voir remis en cause par une
cohabitation. Mais ceci est moins sûr.
2° Les insuffisances d’une telle solution
La coïncidence des élections n’engendre pas nécessairement et automatiquement la coïncidence des majorités parlementaire et présidentielle. Ainsi en 1988 la dissolution prononcé dans la foulée de l’élection présidentielle n’a pas donné à François Mitterrand la majorité absolue dont il avait besoin à l’Assemblée nationale. Bien sûr, il avait une majorité relative, bien sûr on a pu souligner que c’était le souhait du président. Il n’empêche que cette hypothèse doit sérieusement être envisagée, car si elle se répétait, elle rendrait inopérante la solution du quinquennat.
De plus, la coïncidence de la durée des mandats n’entraîne
pas nécessairement la coïncidence des élections. La dissolution peut à
tout moment interrompre le mandat parlementaire et ainsi décaler les
élections présidentielles et législatives. Evidemment, le recours à cette
extrémité reste exceptionnel, mais il suffit d’une fois ! Mais
d'autres circonstances peuvent avoir les mêmes conséquences. Comme le fait
remarquer Jean Gicquel : "Pour conjurer la cohabitation,…(il faudrait)…que
l'on refuse au président le droit de …décéder ou de démissionner"
[30]
En réalité, c’est sur un autre terrain que le quinquennat
renforcerait le présidentialisme si les écueils évoqués étaient évités.
La position du Président de la République serait
évidemment renforcée si le quinquennat était adopté. Son retour plus
rapide devant les électeurs y contribuerait grandement ce qui ne serait pas
sans dangers.
1° Par un retour plus fréquent devant les électeurs
La diminution de la durée du mandat présidentiel
aurait pour effet majeur de renvoyer plus souvent ou plus rapidement le
Président devant les électeurs, à condition que la possibilité d’accomplir
plus d’un mandat soit prévue. Or se faisant on permettrait au Président de
puiser aux sources de sa légitimité après un laps de temps
relativement court ce qui se traduirait par une meilleure mise en œuvre de sa
responsabilité devant le peuple. En bonne logique le Président serait ainsi
renforcé.
Mais, les autres voies de mise en œuvre de la
responsabilité présidentielle s’éteindraient vraisemblablement. Le
phénomène étant déjà largement avéré puisque le référendum tend à
disparaître même si la dissolution est encore utilisée. Il est vrai que les
résultats de la dernière en date ne favoriseront pas son emploi à nouveau.
2° Ce qui n'est pas sans inconvénients
Cette présidentialisation aggravée renforcerait les
défauts du présidentialisme majoritaire. Le doyen Vedel les a parfaitement
identifiés : « monarchisation de la présidence avec ses
conséquences supposées de favoritisme et de corruption, effacement du
Parlement »
[31]
Le rôle du président ne cesserait en effet de grandir au niveau
institutionnel où aucun domaine n’échapperait à ses interventions comme
au niveau politique où l’élection présidentielle continuerait à
transformer les partis en écuries présidentielles. Tout cela conduisant bien
sûr à un déséquilibre des pouvoirs.
Face au président omnipotent, les contre-pouvoirs
auraient tendance à s’effacer, le Parlement notamment dont on voit qu’il
est de moins en moins le lieu des débats importants. Mais surtout, c’est le
poids de l’opposition qui risquerait dans ce contexte d’être réduit
encore.
Dans ces conditions la méfiance vis à vis du politique qui est aujourd’hui généralisée ne pourrait que se développer encore plus, atteignant un niveau alarmant.
ä
Faux problème que celui de la réduction du mandat
présidentiel : une fausse bonne solution contre une bonne solution
faussée ou qui risque de l’être. On pourrait être tenté de conclure
ainsi. Or il n’en est rien.
Depuis 1986, le position du Président de la
République a été contestée, remise en cause, bref il ne bénéficie plus
aujourd’hui ni du prestige ni de l’autorité qui était les siens au
début du régime sous les septennats du Général de Gaulle, de Georges
Pompidou, de Giscard d’Estaing ainsi que d’une grande partie de ceux de
François Mitterrand. Si pendant cette période une « convention de la
Constitution » s’est construite affirmant la prééminence
présidentielle, il semble que depuis 1986 et la première cohabitation s’en
forme une nouvelle se traduisant par l’affaiblissement présidentiel et
débouchant dans une certaine mesure sur une «revanche du régime
parlementaire ».
Le choix du quinquennat irait à l’encontre de
cette évolution. Le maintien du septennat la favoriserait au contraire. Tel
est le véritable enjeu de la question.
Raymond FERRETTI
Maître de conférences à l’Université de Metz.
[1] Projet de loi constitutionnelle du 10 septembre 1973
[2] Le groupe comprenait Georges VEDEL, Olivier DUHAMEL, Guy CARCASSONNE, Hugues PORTELLI, Yves MENY. C’est dans le Monde du 7 mai 1997 qu’il exposait ses vues. Voir également dans le même sens Françoise DECAUMONT "Le quinquennat, échec d'hier, solution de demain ?" In Olivier DUHAMEL et Jean-Luc PARODI "La Constitution de la Cinquième République" Presses de la FNSP 1985 p. 486
[3] Voir « Propositions pour une révision de la Constitution » La documentation française 1993
[4] Voir notamment : Georges VEDEL « Variations et cohabitations » POUVOIRS n° 83 p.101 et Jean MASSOT « Alternance et cohabitation sous la Ve ». La documentation française. 1997.
[5] Entretien du 14 juillet, Le Monde, 16 juillet 1998
[6] Didier MAUS « Pour une république vraiment parlementaire » L’EXPRESS du 29/5/1997
[7] Marie-Anne COHENDET « La cohabitation, leçons d’une expérience » PUF 1993.
Patrick AUVRET « La revanche du régime parlementaire » RDP 1997 p. 1231 et s
[8] Jean-Claude COLLIARD Les régimes parlementaires contemporains Presses de la Fondation nationale des sciences politiques 1978
[9] Maurice DUVERGER «Les institutions de la Cinquième République » RFSP 1959 p. 101 et s
[10] Patrick AUVRET « La revanche du régime parlementaire » RDP 1997 p. 1231 et s
[11] Maurice DUVERGER "Bréviaire de la cohabitation" PUF 1986 p. 88
[12] Pierre AVRIL «Diriger le Gouvernement » POUVOIRS n° 83 novembre 1997 p. 39
[13] Patrick AUVRET « La faculté d’empêcher du Président de la République » RDP 1986 p. 141et s
[14] Jean MASSOT « Alternance et cohabitation sous la Ve ». La documentation française. 1997. P. 110
[15] Voir Marie-Anne COHENDET « La cohabitation, leçons d’une expérience » PUF 1993, voir également Christiane GOUAUD « La cohabitation » Ellipses 1996
[16] Voir Le Monde du 25 avril 1997
[17] Georges VEDEL « le pari de la succession » La Nef 1968 p 145 cité par Jean MASSOT « Alternance et cohabitation » op. cit. p. 69
[18] Stéphane RIALS « Le Premier ministre » PUF QSJ 1981 p. 77
[19]
S. RIALS op. cit.
p. 78
[20] Philippe ARDANT «Institutions politiques et droit constitutionnel » LGDJ 6e édition p. 493
[21] Jacques CHAPSAL «La vie politique sous la Ve République ». PUF Thémis 1881 p.636.
[22] Jean–Claude ZARKA « Fonction présidentielle et problématique majorité présidentielle / majorité parlementaire sous la cinquième République » LGDJ 1992 pp. 265 et s
[23] Jean GICQUEL op cit. p 501.
[24] Bernard CHANTEBOUT «Droit constitutionnel et science politique" A. Colin 1997 p. 530
[25]
Pierre PACTET « Institutions politiques, droit
constitutionnel » A. Colin 1998 p.363
[26] Voir Geneviève GONDOUIN Propos sur le régime présidentiel RDP 1998 p. 373 et s
[27] Voir Georges VEDEL Vers le régime présidentiel RFSP 1964 p 20-332 cité par G. GONDOUIN op. cit.
[28] Jean –Louis QUERMONNE Les régimes politiques occidentaux Seuil collection Point Essai 1994 p. 159
[29] Le Monde du 12 juin 1997
[30] Jean GICQUEL op. cit. p. 565
[31] Georges VEDEL « Variations et cohabitations » loc. cit. p.119